SOCIOLOGIE DU THEATRE 

Emmanuel Wallon  Professeur de sociologie politique à l’Université Paris X-Nanterre Sociologie du théâtre




Article paru dans le Dictionnaire encyclopédique du Théâtre sous la direction de Michel Corvin, Bordas, Paris, Nouvelle édition augmentée en 2008 (première édition en 1991).

Que voit le sociologue quand la société se livre en spectacle? S’il existe «un fait social total», selon la définition que Marcel Mauss en proposa dans son Essai sur le don (paru dans L’Année sociologique en 1923), c’est bien le théâtre. Phénomène à dimensions multiples, il permet d’étudier toute la gradation du social au psychique à travers les « paliers en profondeur » que disposa ensuite Georges Gurvitch. La collectivité constitue la puissance qui le fonde, le creuset où il se forge, le réceptacle de ses effets. En tant que forme, tout en cet art prête à l’analyse des rapports entre les individus et des relations entre les groupes : la construction du discours, la structure dialogique, l’agencement des lieux, le commerce des regards, l’inclination au jeu, la grammaire gestuelle, la polysémie des représentations.
Dans leur pratique, la richesse et la variété des codes dramatiques valent, pour l’anthropologue, bien des cérémonies religieuses et des traditions civiles. Ici, comme l’ethnologue sur son terrain, l’observateur fait partie du système observé. Le système symbolique qui régit l’échange entre un ensemble d’acteurs et une assemblée de spectateurs, avec ses conventions (silence, saluts, applaudissements) et ses instruments (estrades, rideaux, lumières), évolue avec les époques et les mœurs. En tant qu’institution, le genre justifie les investigations de la plupart des sciences humaines : la psychologie sociale pour examiner les liens internes à la troupe, la science politique pour étudier les ressorts de la censure ou les motifs de la subvention, l’histoire culturelle pour explorer les métamorphoses de sa présence dans la sphère publique, l’économie pour éclairer les paradoxes de son financement.
La multiplicité de ces pistes explique la difficulté d’enfermer la sociologie du théâtre dans un champ scientifique, bien qu’elle ait fini par s’imposer en tant que telle à l’université. Dans sa contribution aux précédentes éditions de cet ouvrage, Anne-Marie Gourdon notait avec raison que le domaine peut être abordé par deux entrées. D’une part, l’emprise de la société sur le théâtre se révèle dans l’entièreté d’une manifestation scénique aussi bien que dans chacun de ses détails. D’autre part l’influence du théâtre dans la société, si modeste qu’elle paraisse, s’exerce avec insistance depuis les origines de cet art. On préférera cependant répartir la matière entre trois grandes aires balisées par différentes méthodologies, suivant que les auteurs opèrent au cœur du champ théâtral, depuis ses pourtours ou sur ses lointains. Chacune de ces approches est elle-même sujette à la vieille distinction du général et du particulier.

Une anthropologie théâtrale
Au devant de la rampe se présente une scénologie assez spécialisée, informée par la critique littéraire, l’histoire des arts, l’esthétique et la sémiologie, mais orientée aussi par des perspectives anthropologiques, et qui forge ses propres outils. Son ambition reste la connaissance de l’être social, tel qu’il se donne à voir et à entendre à travers des œuvres performatives et des actes spectaculaires. Ce courant s’est notamment affirmé en France, sans doute en raison de l’importance reconnue au théâtre dans la vie intellectuelle et l’organisation politique de ce pays.
Jean Duvignaud (né et décédé à La Rochelle, 1921-2007) a incarné cette démarche mieux que quiconque. De ses essais de 1965, Les ombres collectives(sous-titré Sociologie du théâtre, PUF, Paris, réédition 1973 et 1999) et L’acteur (sous-titré Sociologie du comédien, Gallimard, Paris, réédition 1993), jusqu’à ses derniers ouvrages, sa curiosité érudite l’a guidé à travers toutes les strates de l’expression commune et de l’affirmation individuelle. Ces deux tendances de l’existence sociale se rejoignent sur le plateau, « Laboratoire des passions» : « Loin de passer d’un moi réel à un moi imaginaire, l’acteur endosse une personnalité chargée de plus riches principes collectifs. » (in L’acteur, cité par David Le Breton, Le théâtre du monde, Lecture de Jean Duvignaud, Presses de l’Université Laval, Montréal, 2004, p. 169 et 173). Son ultime papier pour la revue Internationale de l’imaginaire, qu’il dirigeait avec Chérif Khaznadar, ouvre par une esquisse de la représentation - « Donner forme à “ce qui arrive“? » - et s’achève par cette épitaphe : « L’image tue la vie...» (inÉvénementiel vs action culturelle, Internationale de l’imaginaire, n°22 [nouvelle série], Maison des cultures du monde, « Babel », Paris, 2007, p. 9 et 12). Entre la rive des apparitions et l’horizon des morts navigue encore l’ethnoscénologie, qu’il a lancée sur la mer des savoirs en compagnie de Françoise Grund, Chérif Khaznadar et Jean-Marie Pradier, lors d’un colloque à l’UNESCO et à la Maison des cultures du monde, les 3 et 4 mai 1995.

Les conditions sociales de la création et de la réception

Au second plan se détache l’ensemble composite de la sociologie des arts, qui puise certains de ses exemples dans l’activité dramatique, tout en cueillant ses catégories à d’autres branches. La sociologie des loisirs venue d’outre-Manche et d’outre-Atlantique, dont Joffre Dumazedier avait favorisé l’introduction en France dans les années 1960, s’en soucia peu au départ, car les divertissements de masse et les techniques de communication retenaient son attention en priorité. Illustrée en France par Edgar Morin, Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, Raymonde Moulin, Roger Chartier, Bernard Lahire, Nathalie Heinich, Antoine Hennion, entre autres, la sociologie de la culture accorde au théâtre un rôle moindre qu’à la littérature, la peinture, la musique et la cinématographie, avec lesquelles il entretient pourtant d’étroites relations. Elle peut s’en occuper pour analyser le processus de reconnaissance d’un artiste ou d’une œuvre, en fonction de la convergence des opinions et des intérêts au sein d’un « monde de l’art » (selon l’expression d’Howard Becker), ou alors de la résultante des rapports de force dans un « champ artistique » (suivant la formule de P. Bourdieu).
Depuis la fin des années 1970, elle procède volontiers par enquêtes auprès des publics pour mesurer leur degré de fréquentation et les classer par genres, âges, diplômes, professions, revenus (avec Olivier Donnat, Jean-Michel Guy, Emmanuel Ethis). Comme Richard Demarcy dans sa thèse de 1972, elle s’efforce de mettre en évidence divers seuils de réception chez les spectateurs. A l’instar de Roger Deldime ou de Jean Caune, elle s’attache souvent à la médiation entre ces derniers et les comédiens. La typologie des professions du spectacle, entreprise par Catherine Paradeise et Pierre-Michel Menger, stimule la sociologie du travail pour laquelle les intermittents font office de salariés moins atypiques qu’il ne semblerait de prime abord. C’est là le cas de parler d’une « sociologie des acteurs », penchée sur les conditions de production dans le microcosme de la compagnie des arts de la rue, voire dans le léviathan des établissements lyriques, concernée par les inégalités entre les sexes comme par les rivalités entre les générations. Elle croise la sociologie politique qui tente d’éclairer les faits et dires du prince dans un univers d’artifices, à la manière de Robert Abirached.

Des concepts à l’épreuve des planches

Enfin la sociologie générale opère toujours en fond de scène. Si le théâtre occupe une place discrète dans son histoire, du moins pour s’en tenir à des penseurs tels qu’Emile Durkheim, Max Weber, Norbert Elias, Raymond Boudon, Pierre Bourdieu, Alain Touraine ou Luc Boltanski, cela ne l’empêche pas de mettre à l’épreuve des planches leurs concepts respectifs d’anomie, de déterminant, d’interdépendance, d’interaction, d’habitus, d’acteur, de cité... Il s’agit de ce point de vue, pour citer le titre d’un livre de Nathalie Heinich, de comprendre Ce que l’art fait à la sociologie (Minuit, Paris, 1998), plutôt que l’inverse. Or cet art antique n’a pas fini de solliciter l’interprétation des représentations communes (la figure, la fable, la fiction), des mouvements collectifs (la troupe, l’assistance, la fête), des dispositifs sociaux (le bâtiment, la scénographie, les rituels) ou des audaces singulières (la création, l’improvisation, la performance). Il était juste qu’il reçoive quelques retombées de l’essor académique et du succès médiatique d’une discipline dont il ébranle les certitudes. La rencontre du théâtre et de la sociologie, attestée par quantité de travaux en cours, a justifié une journée d’étude à l’Université d’Avignon, le 13 juillet 2006, mais son espace d’expérience s’étend bien au-delà des remparts.



             TRAHISONS

«Au lieu d'une incapacité quelconque à communiquer, il y a en chacun de nous un mouvement intérieur qui cherche délibérément à esquiver la communication.» Harold Pinter 1968.



Deux hommes, une femme, l'amour avec un grand A.....Voilà, une manière fort réductrice de résumer, la pièce d'Harold Pinter, se focalisant sur une relation triangulaire qui semblerait plus ou moins banale dans notre société moderne, promouvant l'adultère ne serait-ce que par des sites internet tels que Gleeden par exemple. Sauf, que cette double vie menée par Emma, comporte une faille indélébile, pouvant à tout moment détruire la vie de nos trois protagonistes, parce qu'ils sont reliés les uns aux autres. En effet, Emma trompe son mari Robert avec, non pas le boulanger du coin ni même le facteur, mais avec Jerry le meilleur ami de celui-ci.

Harold Pinter, dans cette pièce met en relief le fameux comportement communicationnel faisant de nous des êtres humains à part entière se concentrant sur le jeu des non-dits, de la manipulation ainsi que de la cruauté accentuée par la trahison. Afin de créer de l'originalité, cet auteur qui reçut le prix Nobel de littérature en 2005, décida de commencer sa pièce par la rupture des deux amants pour se terminer par leur rencontre en laissant place à une véritable enquête menée par le spectateur pour comprendre ce qui a provoqué cette première scène. Somme toute, le chemin s'inverse. A dire vrai, pour quelles raisons faudrait-il obligatoirement retracer une histoire d'amour en «ouvrant le bal »par la rencontre ?

Théo Théâtre (petite salle)
20 rue Théodore Deck
75015 Paris

Auteur : Harold Pinter
Artistes : Annmarie Petit, Gilles Darras, Michel Barroco
Metteur en scène :Christine Fodor

Attention, cette pièce ne sera jouée que deux jours le Samedi 1 et le dimanche 2 février 2014 soit à 17h00 ou 19h00. A ne pas manquer !
 
"Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j'éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même. Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi, je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde .Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux." Stefan Zweig, Pétropolis, 22-2-42.

   "La Femme Silencieuse" 

Historiquement, cette pièce de théâtre se déroule en pleine ascension du nazisme en Allemagne, quelques mois après le plébiscite d'Adolf Hitler, qui le nomma président (Führer par la suite), le 2 août 1934.
Cependant, nous allons nous tété-transporter pendant 1h20 outre Manche, en mettant de côté cette parenthèse notoire . En effet, l'intrigue de cette dernière se polarise sur l'exil à Londres de l'écrivain  d'origine viennoise Stefan Zweig, à qui nous devons entre autre la "Confusion des sentiments", ou encore la "Pitié dangereuse" qui fuyant la tempête continentale, se plongea dans la rédaction d'une biographie sur Marie Stuart. Succinctement, Marie Stuart, cette icône martyre ou intrigante, fut la reine d'Ecosse puis de France au XVIème siècle. 
Dans cette tourmente psychologique, ce qui devait à l'origine n'être qu'une fuite provisoire ainsi qu'apaisante, s’avérera se transformer inexorablement en un piège cruel et définitif, qui conduira cet écrivain humaniste, juif "sans s'en préoccuper"au Brésil puis in fine au suicide.

Les artistes qui participent à cette aventure se nomment: Pierre-Arnaud Juin, Corinne Jaber et Olivia Algazi. La mise en scène quant à elle, est menée par Pascal Elso. 

Pour terminer, afin d'éviter une description trop prolixe, je rajouterai simplement que cette pièce se joue au Théâtre du Petit Hébertot dans le 17ème arrondissement de notre chère capitale à partir du 10 janvier jusqu'au 23 février 2014. 
En guise de conclusion, en ce qui concerne les tarifs, si vous décidez d'acheter vos places directement au théâtre,  il faut compter 30 ou 15 euros selon votre tranche d'âge ainsi que votre catégorie socio-professionnelle...Néanmoins, il vous reste la possibilité, de surfer sur la toile du net, en cliquant avec votre doigt sur un de ces sites:  BilltetRéduc, Théâtre Online.com, Ticketnet.fr, La Fnac Spectacle.com.....qui généralement vous proposent des réductions.  En aparté, les jours de relâches sont le Lundi et le mardi. 

Théâtre Le Petit Hébertot 
78 bis boulevard des Batignolles
75017 Paris. Métro Villier
Tél: 01-42-93-13-04
  Un peu de sociologie du Travail et des Arts ;-)

Comment garantir des revenus stables à des salariés à l’emploi instable ? Cette question, essentielle pour le salariat contemporain, les intermittents du spectacle se la posent en France depuis longtemps.
De leur premier mouvement social en 1919 à la lutte actuelle pour la défense de leur régime d’indemnisation, les intermittents n’ont cessé de se battre pour que l’instabilité de leur emploi ne signifie pas précarité de leurs revenus et de leur protection sociale.
Quelles stratégies ont-ils développées, tout au long du XXe siècle, pour « vivre de leur métier » ? Comment et pourquoi le régime des intermittents du spectacle a-t-il été mis en place ?
Pour quelles raisons les salariés concernés se battent-ils pour le défendre ? Mathieu Grégoire, maître de conférences en sociologie à l’université d’Amiens, et membre de l'Institut Européen du Salariat
examine ici de nouveaux possibles entre plein-emploi et précarité.
À l’heure où l’emploi est de plus en plus flexible et le reflux du chômage de masse un horizon de moins en moins crédible, l’expérience des intermittents peut intéresser tout le salariat. Leur régime ne peut-il pas en effet constituer un modèle alternatif pour repenser les droits des salariés à l’emploi discontinu ?



Voyage au bout de la nuit (Banlieue) de Louis Ferdinand Céline.


« Quand on a pas d'imagination, mourir c'est peu de choses, quand on en a, mourir c'est trop.  ».....Extrait du Voyage au bout de la nuit.

Nous sommes en 1985, lorsque Jean-Louis Barrault, acteur remarquable dans le chef-d’œuvre de Marcel Carné Les Enfants du Paradis en 1944 (scénario de Jacques Prévert), demande à Fabrice Luchini de jouer pour la première fois un extrait de Voyage au bout de la nuit au Théâtre du Rond Point. 

Près de trente ans plus tard, en 2014, pour aborder une nouvelle année culturelle sur "des bases solides", le Théâtre Antoine, dont la direction est assurée par Laurent Ruquier et Jean-Marc Dumontet, se fera un plaisir d'offrir à un large public, les prestations scéniques de Fabrice Luchini à travers les lectures du premier roman de Louis Ferdinand Céline publié en 1932.
Il faut noter, que ce n'est pas la première fois que le Théâtre Antoine s'offre le luxe d'employer (dans le cadre d'un contrat de travail), le dynamisme gestuel de cet acteur . En effet, dans cette même salle, le public avait pu le voir dans, la pièce Knock ou le triomphe de la médecine,  mise en scène par Maurice Benichou ou encore en pleine lecture de Philippe Muray.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'actuellement, Fabrice continue à se trouver en tête d'affiche de la pièce Une heure de tranquillité mise en scène par Ladislas Chollat. 

Ici, la politique de rigueur tenant compte des goûts subjectifs de chacun, ne repose en aucun cas sur le "matraquage publicitaire". Cependant, que vous soyez un habitué des lectures dites "musclées" ou bien un néophyte avide de curiosité tant sur l'univers de Louis Ferdinand Céline que sur celui de Fabrice Luchini, n'hésitez pas à sortir de votre lit, à mettre vos chaussures Weston ou Bata (sans faire preuve de discrimination) afin de venir savourer ce moment intime entre "un acteur seul sur scène", sans que ce soit un one man show et "un public".

Certes l'éventail des prix varie entre 18 et 58 euros, mais avec ma longue expérience , je sais qu'il est possible au guichet de pouvoir acheter des places à prix réduit le jour même. Il ne faut guère laisser de sièges libres! C'est à partir du 7 janvier 2014 au Théâtre Antoine pour seulement 20 représentations.